L’encadrement des litiges climatiques transnationaux: défis juridiques et perspectives d’avenir

Les litiges climatiques transnationaux représentent un phénomène juridique en forte expansion, reflétant l’urgence de la crise environnementale mondiale. Ces procédures, qui franchissent les frontières nationales, confrontent les tribunaux à des questions complexes de compétence, de responsabilité et d’application du droit. Face aux dommages climatiques qui ignorent les limites territoriales, un cadre juridique adapté devient indispensable pour régir ces contentieux impliquant des acteurs multiples – États, entreprises multinationales et populations affectées. Ce texte analyse les mécanismes actuels d’encadrement de ces litiges, leurs lacunes et les évolutions nécessaires pour répondre efficacement aux enjeux de justice climatique à l’échelle mondiale.

Émergence et caractéristiques des litiges climatiques transnationaux

Les litiges climatiques transnationaux constituent une catégorie juridique relativement récente mais en expansion rapide. Ces contentieux se distinguent par leur dimension internationale et leur objectif de réparation ou de prévention des dommages liés au changement climatique. Le premier cas emblématique remonte à 2005 avec la pétition Inuit contre les États-Unis devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, accusant ce pays de violation des droits fondamentaux par son inaction climatique. Bien que rejetée, cette affaire a ouvert la voie à une multiplication des recours transfrontaliers.

La spécificité de ces litiges réside dans leur caractère hybride. Ils combinent des éléments de droit international public, de droit international privé, de droits humains et de droit environnemental. Cette nature composite rend leur traitement particulièrement complexe pour les juridictions nationales et internationales qui doivent déterminer le droit applicable et leur propre compétence.

Typologie des litiges climatiques transnationaux

On distingue généralement trois grandes catégories de litiges climatiques dépassant les frontières :

  • Les recours contre des États pour manquement à leurs engagements climatiques internationaux
  • Les actions contre des entreprises multinationales pour leur contribution au réchauffement global
  • Les demandes de compensation pour dommages climatiques subis par des populations vulnérables

L’affaire Urgenda aux Pays-Bas (2015) représente un tournant majeur, même si elle n’était pas strictement transnationale. Pour la première fois, un tribunal a ordonné à un État d’adopter des mesures plus ambitieuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette jurisprudence a inspiré des recours similaires dans d’autres pays, créant un effet domino.

Plus récemment, l’affaire Milieudefensie c. Shell (2021) illustre parfaitement la dimension transnationale de ces litiges. Une ONG néerlandaise a obtenu qu’un tribunal ordonne à la multinationale Shell de réduire ses émissions de CO₂ de 45% d’ici 2030, affectant les opérations de l’entreprise dans plus de 70 pays.

Ces litiges se caractérisent par des difficultés spécifiques : identification des responsabilités dans une chaîne causale complexe, quantification des dommages, détermination du forum compétent, et application extraterritoriale des normes environnementales. La multiplication de ces affaires révèle toutefois une tendance de fond : l’inadaptation des cadres juridiques traditionnels face à un phénomène global comme le changement climatique.

Défis juridictionnels et questions de compétence

La nature transnationale des litiges climatiques soulève d’emblée une question fondamentale : quelle juridiction peut légitimement connaître de ces affaires ? Cette problématique de compétence constitue souvent le premier obstacle procédural que rencontrent les requérants. Le forum shopping, consistant à choisir stratégiquement la juridiction la plus favorable, devient une pratique courante mais contestée.

Dans l’Union européenne, le Règlement Bruxelles I bis offre un cadre précis en établissant que les défendeurs peuvent être poursuivis devant les tribunaux de leur domicile. Ainsi, les multinationales européennes peuvent être attraites devant les juridictions de leur siège social pour des dommages causés à l’étranger. L’affaire RWE c. Lliuya, où un agriculteur péruvien poursuit en Allemagne l’énergéticien allemand pour sa contribution au réchauffement menaçant son village, illustre cette possibilité.

La doctrine du forum non conveniens

Dans les pays de common law, particulièrement aux États-Unis et au Royaume-Uni, la doctrine du forum non conveniens permet aux tribunaux de décliner leur compétence s’ils estiment qu’une autre juridiction serait plus appropriée. Cette doctrine a fréquemment servi à rejeter des recours climatiques transnationaux. Dans l’affaire Kivalina v. ExxonMobil, les tribunaux américains ont utilisé ce principe pour écarter une action intentée par un village inuit menacé par l’élévation du niveau de la mer.

Néanmoins, on observe une évolution restrictive de l’application de cette doctrine. Dans l’affaire Vedanta Resources PLC v. Lungowe (2019), la Cour suprême britannique a rejeté l’argument du forum non conveniens, permettant à des requérants zambiens de poursuivre une société minière britannique pour pollution environnementale au Royaume-Uni. Cette décision pourrait créer un précédent favorable aux litiges climatiques transnationaux.

La compétence des juridictions internationales

Au-delà des tribunaux nationaux, certains requérants se tournent vers des instances internationales. La Cour internationale de Justice (CIJ) peut théoriquement connaître de différends entre États relatifs au changement climatique, mais sa compétence est limitée aux États ayant accepté sa juridiction. L’initiative des Îles Marshall contre neuf puissances nucléaires en 2014 pour manquement à leurs obligations de désarmement illustre les limites de ce recours, la CIJ ayant décliné sa compétence.

Les cours régionales des droits humains offrent des perspectives intéressantes. La Cour européenne des droits de l’homme examine actuellement l’affaire Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres États, où de jeunes Portugais accusent 33 pays européens de violation des droits humains par inaction climatique. Sa décision pourrait constituer un tournant dans la reconnaissance de la compétence des tribunaux supranationaux pour ces questions.

Ces défis juridictionnels mettent en lumière la nécessité d’un cadre harmonisé pour traiter les litiges climatiques transnationaux. L’adoption de règles claires de compétence internationale permettrait d’éviter à la fois le déni de justice et la multiplication désordonnée des procédures. La tendance actuelle à l’assouplissement des conditions de compétence témoigne d’une prise de conscience judiciaire face à l’urgence climatique et aux besoins de protection des victimes potentielles.

Responsabilité juridique des acteurs transnationaux

L’établissement de la responsabilité juridique constitue le cœur des litiges climatiques transnationaux. Cette question se heurte à plusieurs difficultés conceptuelles et pratiques, notamment l’identification précise des pollueurs, la quantification de leur contribution individuelle au phénomène global du changement climatique, et l’application de principes de responsabilité adaptés à cette problématique spécifique.

Le lien de causalité représente le principal défi juridique. Comment établir qu’une entreprise ou un État particulier a causé un dommage climatique spécifique, alors que ce dommage résulte de l’accumulation d’émissions de gaz à effet de serre provenant de millions de sources différentes ? L’affaire Lliuya c. RWE illustre cette difficulté : le plaignant péruvien demande à l’entreprise allemande de contribuer à la protection de son village contre les inondations proportionnellement à sa part historique d’émissions de CO₂ (estimée à 0,47% des émissions mondiales).

La responsabilité des entreprises multinationales

Les entreprises multinationales, particulièrement celles du secteur des énergies fossiles, sont de plus en plus visées par des actions en responsabilité climatique. Plusieurs fondements juridiques sont mobilisés :

  • La responsabilité civile délictuelle classique, basée sur la faute et le préjudice
  • La responsabilité du fait des produits, notamment pour les entreprises pétrolières
  • La négligence ou le devoir de vigilance concernant les impacts climatiques

L’adoption de lois sur le devoir de vigilance, comme en France en 2017, ouvre de nouvelles perspectives. Cette législation oblige les grandes entreprises à identifier et prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement résultant de leurs activités et celles de leurs filiales et sous-traitants. L’affaire Notre Affaire à Tous et autres c. Total s’appuie sur ce fondement pour contraindre le groupe pétrolier à adopter une stratégie compatible avec l’Accord de Paris.

Au niveau international, les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (2011) établissent une responsabilité des entreprises de respecter les droits humains, ce qui inclut implicitement la prévention des dommages climatiques. Bien que non contraignants, ces principes influencent progressivement les législations nationales et les décisions judiciaires.

La responsabilité des États

La responsabilité des États dans les litiges climatiques transnationaux s’analyse sous deux angles : leurs obligations internationales et leurs devoirs envers leurs propres citoyens et ceux d’autres pays.

Sur le plan international, l’Accord de Paris établit des objectifs climatiques mais laisse aux États une large marge de manœuvre dans leur mise en œuvre. Cette flexibilité complique l’établissement d’une responsabilité juridique stricte. Néanmoins, l’affaire Urgenda aux Pays-Bas a démontré que les tribunaux peuvent interpréter les engagements internationaux d’un État comme créant des obligations contraignantes.

Le principe des responsabilités communes mais différenciées, central dans le droit international de l’environnement, reconnaît que tous les États doivent lutter contre le changement climatique, mais en tenant compte de leurs capacités respectives et de leur contribution historique au problème. Ce principe commence à influencer les décisions judiciaires dans les litiges climatiques transnationaux.

L’évolution vers une responsabilité climatique des acteurs transnationaux témoigne d’une adaptation progressive du droit aux défis environnementaux globaux. Les tribunaux développent des approches innovantes pour surmonter les obstacles traditionnels à l’établissement de la responsabilité dans ce domaine complexe, reconnaissant implicitement que l’inaction face à la crise climatique ne peut plus être juridiquement excusée.

Droit applicable et harmonisation normative

La détermination du droit applicable constitue une étape cruciale dans le traitement des litiges climatiques transnationaux. Cette question se pose avec acuité lorsque plusieurs ordres juridiques nationaux sont impliqués, chacun avec ses propres règles substantielles en matière environnementale. En l’absence d’un corpus unifié de règles internationales directement applicables aux dommages climatiques, les tribunaux doivent naviguer entre différentes sources normatives.

Dans l’Union européenne, le Règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles offre un cadre de référence. Son article 7 prévoit que la personne lésée par un dommage environnemental peut choisir d’appliquer soit la loi du pays où le dommage survient, soit celle du pays où l’événement générateur du dommage s’est produit. Cette flexibilité peut favoriser les victimes de dommages climatiques transfrontaliers.

L’articulation entre droit national et international

Les litiges climatiques transnationaux révèlent la nécessité d’articuler harmonieusement droit national et international. Les juges nationaux sont de plus en plus enclins à interpréter le droit interne à la lumière des engagements internationaux de leur État. L’affaire Neubauer et al. c. Allemagne (2021) illustre cette tendance : la Cour constitutionnelle allemande a invalidé certaines dispositions de la loi climatique nationale en s’appuyant sur les objectifs de l’Accord de Paris et sur les droits fondamentaux garantis par la Constitution.

Le droit international coutumier joue également un rôle croissant. Le principe de précaution et celui du pollueur-payeur, reconnus comme normes coutumières, sont fréquemment invoqués dans les litiges climatiques. Dans l’affaire Milieudefensie c. Shell, le tribunal néerlandais s’est appuyé sur le devoir de diligence (duty of care) issu du droit civil, tout en l’interprétant à la lumière des standards internationaux en matière de droits humains et de climat.

Vers une harmonisation des normes climatiques

Face à la fragmentation des règles applicables, plusieurs initiatives visent à harmoniser le traitement juridique des questions climatiques :

  • Les Principes d’Oslo sur les obligations climatiques mondiales (2015), élaborés par un groupe international d’experts juridiques
  • Les travaux de la Commission du droit international sur la protection de l’atmosphère
  • Le projet de Pacte mondial pour l’environnement, qui vise à codifier les principes fondamentaux du droit international de l’environnement

Certaines juridictions développent des approches novatrices pour résoudre les conflits de lois. Aux États-Unis, la doctrine des federal common law nuisance claims a été invoquée dans plusieurs litiges climatiques pour tenter d’établir un standard fédéral uniforme applicable aux dommages climatiques transfrontaliers. Toutefois, dans l’affaire American Electric Power Co. v. Connecticut (2011), la Cour Suprême a considéré que cette approche était préemptée par la législation fédérale sur la pollution atmosphérique (Clean Air Act).

L’harmonisation normative passe également par l’élaboration de standards internationaux de reporting climatique pour les entreprises. La Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) propose des lignes directrices pour la divulgation des risques financiers liés au climat, progressivement intégrées dans les réglementations nationales. La directive européenne sur le reporting extra-financier impose désormais aux grandes entreprises de publier des informations sur leur impact environnemental, facilitant ainsi l’évaluation de leur responsabilité climatique.

Cette évolution vers une harmonisation des normes climatiques reflète une prise de conscience collective : les défis posés par le changement climatique ne peuvent être efficacement relevés que par une approche juridique cohérente et coordonnée à l’échelle mondiale. Les tribunaux jouent un rôle de catalyseur dans ce processus, en développant une jurisprudence qui transcende les frontières nationales et contribue à l’émergence d’un véritable droit climatique transnational.

Exécution des décisions et coopération judiciaire internationale

Obtenir une décision favorable dans un litige climatique transnational ne représente qu’une étape du processus. L’exécution effective de cette décision constitue souvent un défi majeur, particulièrement lorsqu’elle doit être mise en œuvre dans plusieurs juridictions. Les mécanismes traditionnels de reconnaissance et d’exécution des jugements étrangers se révèlent parfois inadaptés face à la spécificité des contentieux climatiques.

La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires entre États repose généralement sur des accords bilatéraux ou multilatéraux. Dans l’Union européenne, le Règlement Bruxelles I bis facilite cette reconnaissance, mais à l’échelle mondiale, l’exécution demeure problématique. La Convention de La Haye sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale (2019) pourrait améliorer la situation, mais son champ d’application concernant les litiges environnementaux reste incertain.

Les obstacles à l’exécution des décisions climatiques

Plusieurs facteurs compliquent l’exécution des décisions relatives aux litiges climatiques transnationaux :

  • L’exception d’ordre public peut être invoquée par un État pour refuser d’exécuter une décision étrangère jugée contraire à ses principes fondamentaux
  • La souveraineté nationale en matière de politique énergétique et industrielle peut constituer un frein
  • La difficulté d’évaluer la conformité aux injonctions climatiques sur le long terme

L’affaire Chevron c. Équateur illustre ces difficultés. Après une condamnation en Équateur pour pollution environnementale, Chevron a contesté avec succès l’exécution du jugement aux États-Unis et au Canada, invoquant des irrégularités procédurales. Bien que ce litige ne portait pas spécifiquement sur le climat, il met en lumière les obstacles pratiques à l’exécution transnationale des décisions environnementales.

Le développement de la coopération judiciaire climatique

Face à ces défis, on assiste à l’émergence de nouvelles formes de coopération judiciaire internationale en matière climatique :

Le Réseau judiciaire mondial sur l’environnement (GJIE), créé sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), favorise l’échange d’expériences et de bonnes pratiques entre juges du monde entier sur les questions environnementales. Ce réseau contribue à l’harmonisation des approches judiciaires face aux litiges climatiques.

Les tribunaux climatiques spécialisés se développent dans plusieurs pays, comme en Australie (Land and Environment Court of New South Wales) ou en Inde (National Green Tribunal). Ces juridictions acquièrent une expertise spécifique qui renforce leur légitimité et facilite potentiellement la reconnaissance internationale de leurs décisions.

Des initiatives comme les Principes de La Haye sur le changement climatique visent à établir des standards communs pour le traitement judiciaire des questions climatiques. Ces principes, bien que non contraignants, influencent progressivement les pratiques judiciaires nationales.

La digitalisation des procédures judiciaires, accélérée par la pandémie de COVID-19, facilite la collaboration entre juridictions de différents pays. Les audiences virtuelles permettent désormais d’entendre des témoins ou experts situés à l’étranger, renforçant l’efficacité des procédures transnationales.

Ces évolutions témoignent d’une prise de conscience de la dimension nécessairement collaborative de la justice climatique. Le changement climatique étant un phénomène global, son traitement juridique requiert une approche coordonnée transcendant les frontières nationales. La coopération judiciaire internationale devient ainsi un élément indispensable pour assurer l’effectivité des décisions rendues dans les litiges climatiques transnationaux.

Perspectives d’avenir pour la justice climatique mondiale

L’évolution rapide des litiges climatiques transnationaux laisse entrevoir des transformations profondes du paysage juridique mondial. Ces contentieux, à la frontière entre droit national et international, entre intérêts publics et privés, constituent un laboratoire d’innovations juridiques dont l’influence s’étend bien au-delà des cas particuliers.

Une tendance majeure se dessine : le passage progressif d’une approche réactive à une démarche préventive. Si les premiers litiges climatiques visaient principalement à obtenir réparation pour des dommages déjà subis, les actions récentes cherchent davantage à contraindre les acteurs publics et privés à adopter des mesures anticipant les risques climatiques futurs. L’affaire Notre Affaire à Tous c. Total illustre cette évolution : les demandeurs n’exigent pas de compensation financière mais l’adoption d’un plan de vigilance climatique conforme aux objectifs de l’Accord de Paris.

Vers un tribunal international du climat ?

La multiplication des litiges climatiques transnationaux relance le débat sur la création d’une juridiction internationale spécialisée. Plusieurs modèles sont envisagés :

  • Un tribunal international du climat créé par traité multilatéral
  • Une chambre spécialisée au sein de la Cour internationale de Justice
  • Un mécanisme d’arbitrage climatique international inspiré du système de règlement des différends de l’OMC

La campagne « Stop Ecocide » plaide pour l’inclusion de l’écocide – destruction massive des écosystèmes – comme crime international dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Cette évolution permettrait de poursuivre pénalement les responsables des atteintes les plus graves à l’environnement, y compris celles contribuant significativement au changement climatique.

Parallèlement, on observe un renforcement des mécanismes de soft law en matière climatique. Les Principes pour l’investissement responsable (PRI) des Nations Unies et les standards ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) influencent de plus en plus les décisions d’investissement et les stratégies d’entreprise. Ces normes non contraignantes créent un environnement favorable au développement d’obligations climatiques plus strictes.

L’émergence des droits des générations futures

Une dimension novatrice des litiges climatiques transnationaux réside dans la reconnaissance croissante des droits des générations futures. L’affaire Juliana v. United States, bien que non transnationale, a ouvert la voie en reconnaissant la recevabilité d’une action intentée par de jeunes Américains au nom des générations futures. Dans le même esprit, l’affaire Duarte Agostinho devant la Cour européenne des droits de l’homme met en avant la responsabilité intergénérationnelle en matière climatique.

Cette évolution s’inscrit dans un mouvement plus large de reconnaissance des droits de la nature. Des pays comme l’Équateur, la Bolivie ou la Nouvelle-Zélande ont accordé une personnalité juridique à certains écosystèmes, ouvrant la possibilité d’actions en justice au nom de la nature elle-même. Cette approche pourrait influencer les litiges climatiques transnationaux en élargissant le cercle des entités juridiquement protégées.

L’avenir de l’encadrement des litiges climatiques transnationaux dépendra largement de la capacité des systèmes juridiques à s’adapter à ces nouvelles réalités. La tendance actuelle suggère une évolution vers un cadre plus intégré, combinant des éléments de droit international public et privé, de droits humains et de droit environnemental. Ce cadre hybride, en construction, devra répondre aux défis spécifiques posés par le caractère global, diffus et progressif des dommages climatiques.

La justice climatique mondiale se trouve ainsi à un carrefour. Elle peut soit rester fragmentée, avec des approches nationales divergentes et une efficacité limitée, soit évoluer vers un système plus cohérent et coordonné, capable de répondre efficacement à l’urgence climatique. L’intensification des litiges climatiques transnationaux et la créativité juridique qu’ils suscitent laissent présager une transformation profonde du droit international de l’environnement dans les décennies à venir.