
La crise climatique représente un défi sans précédent pour la communauté internationale. Alors que les effets du changement climatique s’intensifient, la question de la responsabilité des États quant au respect de leurs engagements climatiques devient centrale dans le droit international de l’environnement. L’Accord de Paris de 2015 a marqué un tournant en établissant un cadre juridique contraignant, mais les mécanismes de mise en œuvre et de sanction demeurent limités. Cette situation soulève des interrogations fondamentales sur la nature même de la responsabilité étatique dans un contexte où l’action collective est indispensable mais où la souveraineté nationale reste un principe fondateur des relations internationales.
L’évolution du cadre juridique international des engagements climatiques
La responsabilité climatique des États s’inscrit dans une évolution progressive du droit international de l’environnement. Depuis la Déclaration de Stockholm de 1972, première conférence internationale consacrée aux questions environnementales, jusqu’à l’Accord de Paris de 2015, le cadre normatif s’est considérablement développé. Cette évolution traduit une prise de conscience croissante de l’urgence climatique et de la nécessité d’une action coordonnée à l’échelle mondiale.
La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) adoptée lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992 constitue la première pierre de l’édifice juridique climatique international. Elle pose le principe fondamental des « responsabilités communes mais différenciées » qui reconnaît que tous les États doivent agir contre le changement climatique, tout en tenant compte de leurs capacités respectives et de leur contribution historique aux émissions de gaz à effet de serre.
Le Protocole de Kyoto, adopté en 1997, a marqué une étape décisive en introduisant des objectifs chiffrés de réduction des émissions pour les pays développés. Toutefois, l’absence de ratification par les États-Unis et le retrait du Canada ont considérablement affaibli sa portée. Ce protocole a néanmoins posé les bases de mécanismes innovants comme le marché du carbone et le mécanisme de développement propre.
L’Accord de Paris : un tournant juridique
L’Accord de Paris de 2015 représente une avancée majeure dans la construction d’un régime juridique climatique contraignant. Contrairement au Protocole de Kyoto, il engage l’ensemble des États, développés comme en développement, à contribuer à l’effort global de limitation du réchauffement « bien en-deçà de 2°C » par rapport aux niveaux préindustriels.
La spécificité de cet accord réside dans son approche ascendante (bottom-up) : chaque État détermine librement sa contribution nationale (NDC – Nationally Determined Contribution) à l’effort global. Cette flexibilité a permis d’obtenir une adhésion quasi-universelle, mais soulève des questions quant à l’ambition collective et à la responsabilité en cas de non-respect des engagements.
- Universalité de l’accord (197 parties)
- Mécanisme de révision quinquennale des engagements
- Objectif de neutralité carbone dans la seconde moitié du siècle
- Système de transparence renforcé
Le Pacte de Glasgow pour le climat, adopté lors de la COP26 en 2021, a renforcé certaines dispositions de l’Accord de Paris, notamment en appelant à la réduction progressive du charbon et des subventions aux énergies fossiles. Toutefois, le langage diplomatique utilisé (« phase-down » plutôt que « phase-out ») illustre les difficultés persistantes à établir des obligations juridiquement contraignantes en matière climatique.
Les fondements juridiques de la responsabilité climatique des États
La responsabilité climatique des États s’ancre dans plusieurs principes fondamentaux du droit international. Le premier d’entre eux, le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles, reconnaît le droit des États à exploiter leurs ressources selon leurs propres politiques environnementales. Toutefois, ce principe est tempéré par l’obligation de ne pas causer de dommages à l’environnement d’autres États, consacrée par la Déclaration de Stockholm et confirmée par la Cour internationale de Justice dans l’avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (1996).
Le principe de prévention constitue un autre fondement majeur de cette responsabilité. Il impose aux États une obligation de diligence raisonnable pour prévenir les dommages environnementaux transfrontaliers. La Cour internationale de Justice a affirmé ce principe dans l’affaire des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay, 2010), soulignant l’obligation de conduire des études d’impact environnemental pour les activités susceptibles de causer des dommages transfrontaliers significatifs.
Le principe de précaution et ses implications
Le principe de précaution, formulé dans le Principe 15 de la Déclaration de Rio, complète le principe de prévention en étendant l’obligation d’action étatique aux situations d’incertitude scientifique. Selon ce principe, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement lorsqu’il existe des risques de dommages graves ou irréversibles.
Dans le contexte climatique, ce principe justifie l’action préventive même en présence d’incertitudes sur l’ampleur exacte des impacts futurs du changement climatique. La Commission du droit international a reconnu l’importance de ce principe dans ses travaux sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses.
Les obligations procédurales
Au-delà des obligations substantielles, les États sont soumis à des obligations procédurales qui constituent un volet essentiel de leur responsabilité climatique. Ces obligations incluent :
- Le devoir d’information et de notification
- L’obligation de consultation et de négociation
- Le devoir de coopération internationale
- L’obligation de transparence dans la mise en œuvre des engagements
La Cour européenne des droits de l’homme a renforcé ces obligations procédurales dans sa jurisprudence environnementale, notamment dans l’affaire Tătar c. Roumanie (2009), en reconnaissant le droit à l’information environnementale comme composante du droit au respect de la vie privée et familiale.
La responsabilité climatique des États s’inscrit ainsi dans un cadre juridique complexe, mêlant droit conventionnel (traités et accords) et droit coutumier international, dont les contours continuent d’évoluer au gré des négociations internationales et de la jurisprudence des cours et tribunaux internationaux.
Les mécanismes de contrôle et de sanction du non-respect des engagements
La question des mécanismes de contrôle et de sanction constitue le talon d’Achille du régime juridique international en matière climatique. Contrairement à d’autres domaines du droit international, comme le commerce où l’Organisation mondiale du commerce dispose d’un mécanisme de règlement des différends efficace, le droit international de l’environnement souffre d’un déficit d’institutions coercitives.
L’Accord de Paris a instauré un cadre de transparence renforcé qui oblige les États à rendre compte régulièrement de leurs émissions et des progrès réalisés dans la mise en œuvre de leurs engagements. Ce système repose sur un mécanisme de révision par les pairs et un bilan mondial quinquennal (global stocktake). Toutefois, il s’agit essentiellement d’un mécanisme incitatif plutôt que punitif, basé sur la « name and shame approach » – l’idée que la pression internationale et la réputation peuvent influencer le comportement des États.
Le Comité de mise en œuvre et de respect des dispositions
L’article 15 de l’Accord de Paris a établi un Comité de mise en œuvre et de respect des dispositions, dont les modalités de fonctionnement ont été précisées lors de la COP24 à Katowice en 2018. Ce comité, composé de 12 experts indépendants, est conçu pour faciliter la mise en œuvre et promouvoir le respect des dispositions de l’Accord de manière « non accusatoire et non punitive ».
Les limites de ce mécanisme sont évidentes : le Comité ne peut agir que sur saisine de l’État concerné ou de sa propre initiative avec le consentement de cet État. Il ne peut émettre que des recommandations non contraignantes et ne dispose d’aucun pouvoir de sanction. Cette approche reflète la réticence persistante des États à accepter des mécanismes contraignants susceptibles de limiter leur souveraineté.
Le recours aux juridictions internationales
Face aux limites des mécanismes institutionnels prévus par les accords climatiques, le recours aux juridictions internationales existantes apparaît comme une voie alternative pour sanctionner le non-respect des engagements climatiques.
La Cour internationale de Justice, organe judiciaire principal des Nations Unies, pourrait théoriquement connaître de différends interétatiques relatifs au non-respect d’obligations climatiques. Toutefois, sa compétence est soumise au consentement des États, ce qui en limite considérablement la portée. À ce jour, aucun contentieux climatique n’a été porté devant la CIJ, bien que des discussions aient eu lieu concernant la possibilité de demander un avis consultatif sur les obligations des États en matière de lutte contre le changement climatique.
Le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) représente une autre voie potentielle, notamment pour les litiges concernant les impacts du changement climatique sur les océans, comme l’acidification ou l’élévation du niveau de la mer. Dans son avis consultatif de 2011 sur les activités dans la Zone, le TIDM a reconnu l’obligation des États de veiller à ce que les activités relevant de leur juridiction respectent l’environnement marin.
Les mécanismes régionaux de protection des droits humains, comme la Cour européenne des droits de l’homme ou la Commission interaméricaine des droits de l’homme, ont commencé à développer une jurisprudence liant changement climatique et droits fondamentaux. L’affaire Urgenda aux Pays-Bas, bien que tranchée par une juridiction nationale, illustre cette tendance à mobiliser les droits humains pour contraindre les États à respecter leurs engagements climatiques.
L’émergence d’une justice climatique à l’échelle nationale et transnationale
Face aux limites des mécanismes internationaux, on assiste depuis quelques années à l’émergence d’une justice climatique portée par les juridictions nationales et les acteurs non-étatiques. Ce phénomène témoigne d’une évolution profonde dans l’appréhension juridique de la responsabilité climatique.
Les contentieux climatiques se multiplient à travers le monde, avec plus de 1800 affaires recensées dans plus de 40 pays selon le rapport 2022 du Programme des Nations Unies pour l’environnement. Ces litiges visent principalement à contraindre les États à respecter leurs engagements climatiques ou à renforcer leur ambition. L’affaire Urgenda aux Pays-Bas en 2015 a constitué un précédent historique : pour la première fois, un tribunal a ordonné à un État d’adopter des objectifs de réduction d’émissions plus ambitieux sur la base d’une obligation de diligence envers ses citoyens.
Cette jurisprudence a inspiré de nombreuses actions similaires. En France, l’affaire Grande-Synthe a conduit le Conseil d’État à enjoindre au gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour atteindre ses objectifs climatiques. En Allemagne, la Cour constitutionnelle fédérale a jugé en 2021 que la loi climatique nationale était partiellement inconstitutionnelle car elle reportait indûment les efforts de réduction des émissions sur les générations futures, portant ainsi atteinte à leurs libertés fondamentales.
L’extraterritorialité et la responsabilité transfrontière
Une dimension novatrice de ces contentieux réside dans leur caractère parfois extraterritorial. L’affaire Milieudefensie c. Shell aux Pays-Bas illustre cette tendance : en 2021, un tribunal néerlandais a ordonné à la multinationale Shell de réduire ses émissions mondiales de 45% d’ici 2030, reconnaissant ainsi une forme de responsabilité climatique des acteurs privés transnationaux.
Cette évolution ouvre la voie à une réflexion sur la responsabilité des États pour les émissions liées à leurs importations (émissions importées) ou aux activités de leurs entreprises à l’étranger. La Commission européenne a d’ailleurs proposé un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour tenir compte des émissions incorporées dans les produits importés, illustrant cette préoccupation croissante pour les dimensions transfrontières de la responsabilité climatique.
Le rôle des acteurs non-étatiques
Les organisations non gouvernementales, les collectivités territoriales et les citoyens jouent un rôle croissant dans la mise en œuvre de la responsabilité climatique. Ils agissent comme lanceurs d’alerte, initiateurs de contentieux et promoteurs de normes plus ambitieuses.
- Les ONG environnementales comme Greenpeace, ClientEarth ou Notre Affaire à Tous ont développé une expertise juridique considérable
- Les villes et régions s’engagent dans des coalitions comme le C40 ou la Convention des Maires
- Les citoyens se mobilisent à travers des actions collectives comme l’Affaire du Siècle en France
Cette mobilisation de la société civile contribue à l’émergence d’une forme de contrôle démocratique sur les engagements climatiques des États, palliant en partie les insuffisances des mécanismes internationaux formels. Elle témoigne d’une appropriation croissante des enjeux climatiques par les acteurs nationaux et locaux, créant une pression « par le bas » sur les gouvernements.
Vers un nouveau paradigme de responsabilité internationale face à l’urgence climatique
L’évolution récente du droit et des contentieux climatiques suggère l’émergence d’un nouveau paradigme de responsabilité internationale. Ce paradigme dépasse les conceptions traditionnelles de la responsabilité des États pour s’adapter aux spécificités du défi climatique : son caractère global, ses effets différés dans le temps et l’espace, et l’intrication des responsabilités publiques et privées.
La notion de responsabilités communes mais différenciées, principe fondateur du régime climatique international, connaît elle-même une évolution significative. Si elle reconnaissait initialement une distinction nette entre pays développés et pays en développement, elle s’oriente aujourd’hui vers une conception plus nuancée qui tient compte de l’évolution des capacités et des contributions aux émissions. L’émergence de pays comme la Chine ou l’Inde comme grands émetteurs de gaz à effet de serre remet en question la pertinence des catégorisations historiques.
La responsabilité intergénérationnelle constitue une autre dimension novatrice de ce nouveau paradigme. Plusieurs décisions judiciaires récentes, comme celle de la Cour constitutionnelle allemande en 2021, ont explicitement reconnu les droits des générations futures comme limite aux politiques climatiques actuelles. Cette approche trouve un écho dans les travaux théoriques sur la justice intergénérationnelle et pourrait conduire à une redéfinition profonde des obligations des États.
Les perspectives d’évolution du droit international
Plusieurs pistes d’évolution du cadre juridique international sont actuellement explorées pour renforcer la responsabilité des États en matière climatique.
La reconnaissance d’un crime d’écocide en droit international pénal constituerait une avancée majeure. En juin 2021, un panel d’experts internationaux a proposé une définition juridique de l’écocide comme « actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables ». Cette définition pourrait servir de base à l’inclusion de l’écocide comme cinquième crime international dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
La création d’une Cour internationale pour l’environnement, proposée par plusieurs juristes et ONG, représenterait une autre innovation institutionnelle significative. Une telle juridiction spécialisée pourrait développer une expertise technique sur les questions environnementales complexes et assurer une application cohérente des principes du droit international de l’environnement.
L’intégration systématique des considérations climatiques dans les accords commerciaux et d’investissement constitue une troisième voie prometteuse. Les clauses environnementales dans ces accords pourraient devenir plus contraignantes et s’accompagner de mécanismes de sanction efficaces, utilisant ainsi le levier commercial pour renforcer le respect des engagements climatiques.
Le rôle croissant de la soft law et des initiatives volontaires
Parallèlement à l’évolution du droit contraignant, on observe un développement considérable de la soft law climatique : normes, standards, et engagements volontaires qui, sans être juridiquement contraignants, exercent une influence croissante sur le comportement des États et des acteurs privés.
Les engagements volontaires de neutralité carbone pris par plus de 130 pays illustrent cette tendance. Bien que ces engagements ne soient pas juridiquement contraignants au sens strict, ils créent des attentes légitimes et peuvent cristalliser progressivement en obligations juridiques à travers la pratique des États et l’opinio juris.
Les normes de reporting climatique, comme celles développées par la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD), jouent un rôle similaire en établissant des standards qui influencent progressivement les pratiques des entreprises et des États. La Commission européenne a d’ailleurs intégré ces normes dans sa directive sur le reporting extra-financier, illustrant le processus de « durcissement » progressif de la soft law.
Cette évolution vers un mélange de hard law et de soft law, de mécanismes contraignants et volontaires, reflète la complexité du défi climatique et la nécessité d’une approche juridique adaptative. Elle témoigne d’une conception renouvelée de la responsabilité internationale, moins centrée sur la sanction ex post que sur la prévention et l’incitation à l’action.
Défis et opportunités pour un régime de responsabilité climatique effectif
L’établissement d’un régime de responsabilité climatique véritablement effectif se heurte à des obstacles considérables mais présente des opportunités inédites pour repenser les fondements mêmes du droit international.
Le premier défi réside dans la tension persistante entre souveraineté nationale et nécessité d’une gouvernance climatique globale. Les États demeurent réticents à accepter des mécanismes contraignants susceptibles de limiter leur autonomie en matière de politique énergétique ou économique. Cette tension explique en grande partie les limites des accords climatiques actuels et la préférence pour des approches volontaires.
La question de la causalité constitue un second obstacle majeur. Établir un lien causal direct entre les émissions d’un État particulier et des dommages climatiques spécifiques reste complexe sur le plan scientifique et juridique. Cette difficulté explique les réticences des juridictions à reconnaître pleinement la responsabilité des États pour les dommages climatiques, comme l’illustre le rejet de la requête de Tuvalu contre l’Australie devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies.
L’enjeu des pertes et préjudices
La question des pertes et préjudices (loss and damage) liés aux impacts inévitables du changement climatique constitue un défi particulier. Longtemps tabou dans les négociations internationales en raison de ses implications en termes de responsabilité, ce sujet a connu une avancée significative lors de la COP27 à Charm el-Cheikh avec la création d’un fonds dédié.
Toutefois, les modalités de fonctionnement de ce fonds et sa dotation financière restent à préciser. Les pays développés ont explicitement refusé toute référence à des notions de compensation ou de responsabilité dans le texte de la décision, préférant l’approche de la solidarité. Cette réticence illustre les difficultés persistantes à établir un régime de responsabilité explicite pour les dommages climatiques historiques.
Plusieurs pistes juridiques innovantes sont explorées pour surmonter ces obstacles :
- Le recours à des présomptions de causalité pour faciliter l’établissement du lien entre émissions et dommages
- L’application du principe de précaution pour justifier l’action même en l’absence de certitude absolue
- Le développement de mécanismes d’assurance et de mutualisation des risques climatiques
- L’établissement de responsabilités objectives basées sur les émissions cumulées
Vers une approche systémique de la responsabilité climatique
Face à ces défis, une approche systémique de la responsabilité climatique semble nécessaire. Cette approche reconnaîtrait le caractère multidimensionnel du problème climatique et la nécessité d’articuler différents niveaux de responsabilité et d’action.
La notion de responsabilité commune mais différenciée et respective des capacités, telle que reformulée dans l’Accord de Paris, offre un cadre conceptuel pour cette approche. Elle permet de tenir compte à la fois des responsabilités historiques, des capacités actuelles et des besoins spécifiques des différents pays.
L’articulation entre responsabilité rétrospective (pour les émissions passées) et responsabilité prospective (pour l’action future) constitue un autre élément de cette approche systémique. Si la responsabilité pour les dommages historiques reste controversée, un consensus plus large existe sur la responsabilité des États à agir pour prévenir les dommages futurs.
Enfin, le développement de mécanismes de responsabilité partagée entre États, entreprises et autres acteurs non-étatiques apparaît comme une voie prometteuse. Les partenariats public-privé pour la transition énergétique, les coalitions multi-acteurs comme la Mission Innovation ou l’Alliance solaire internationale illustrent cette tendance à dépasser la dichotomie traditionnelle entre responsabilité étatique et responsabilité privée.
La transformation du régime de responsabilité climatique nécessite ainsi une évolution conceptuelle profonde, dépassant les cadres juridiques traditionnels pour appréhender la complexité et l’urgence du défi climatique. Cette évolution est déjà en cours, portée par les juridictions nationales, les mouvements citoyens et les innovations juridiques des praticiens et théoriciens du droit international de l’environnement.