Le Droit de la Copropriété : Dernières Réglementations

Dans un contexte d’évolution constante du cadre législatif français, le droit de la copropriété connaît des transformations significatives. Ces dernières années, plusieurs réformes ont considérablement modifié les règles applicables aux immeubles en copropriété, impactant aussi bien les syndicats que les copropriétaires individuels. Décryptage des dernières réglementations qui redessinent le paysage de la copropriété en France.

Les fondements actualisés du droit de la copropriété

Le régime de la copropriété, principalement encadré par la loi du 10 juillet 1965 et son décret d’application du 17 mars 1967, a connu de nombreuses modifications au fil des décennies. Ces textes fondateurs définissent la copropriété comme l’organisation juridique d’un immeuble bâti ou d’un groupe d’immeubles dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes par lots. Chaque lot comprend une partie privative et une quote-part de parties communes.

La loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) du 23 novembre 2018 et l’ordonnance du 30 octobre 2019 ont profondément remanié ce cadre juridique. Ces réformes visent principalement à simplifier le fonctionnement des copropriétés, à faciliter la prise de décision et à adapter le régime aux enjeux contemporains, notamment énergétiques et numériques.

Le décret du 2 juillet 2020 a complété ce dispositif en précisant les modalités d’application de l’ordonnance. Ces textes constituent désormais le socle actualisé du droit de la copropriété, avec une entrée en vigueur échelonnée de certaines dispositions jusqu’en 2023 pour permettre aux acteurs de s’adapter progressivement.

La gouvernance modernisée des copropriétés

La gouvernance des copropriétés a été substantiellement modernisée par les récentes réformes. Le conseil syndical, organe consultatif représentant les copropriétaires auprès du syndic, voit son rôle renforcé. Dans les copropriétés de plus de 200 lots, sa mise en place devient obligatoire. Par ailleurs, le conseil peut désormais se voir déléguer des décisions relevant habituellement de l’assemblée générale, facilitant ainsi la gestion courante.

Le statut et les missions du syndic de copropriété ont également évolué. Le contrat type de syndic, modifié par le décret du 20 juillet 2020, impose une plus grande transparence sur les honoraires et prestations. Les syndics doivent désormais mettre à disposition une interface numérique sécurisée permettant aux copropriétaires d’accéder aux documents de la copropriété.

La tenue des assemblées générales a été assouplie, avec la possibilité de participation à distance, consacrée par la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Cette modalité, initialement temporaire, a été pérennisée, traduisant une adaptation du droit aux nouvelles technologies. Les experts juridiques de droit-eco.org soulignent que cette évolution répond à une attente forte des copropriétaires pour plus de flexibilité dans la gouvernance.

Les nouvelles majorités pour la prise de décision

L’un des aspects les plus novateurs des récentes réformes concerne l’assouplissement des règles de majorité pour faciliter la prise de décision en assemblée générale. Traditionnellement, le droit de la copropriété prévoit plusieurs types de majorités en fonction de l’importance des décisions à prendre.

La majorité de l’article 24 (majorité simple des voix exprimées) s’applique désormais à un éventail plus large de décisions, notamment celles relatives à l’installation de compteurs individuels d’eau ou à certains travaux d’accessibilité.

La majorité de l’article 25 (majorité absolue de tous les copropriétaires) a été allégée pour certaines décisions qui peuvent désormais être prises à la majorité simple lors d’un second vote immédiat si la décision a recueilli au moins un tiers des voix de tous les copropriétaires.

Quant à la majorité de l’article 26 (majorité des deux tiers des voix de tous les copropriétaires), son champ d’application a été réduit, notamment en ce qui concerne certains travaux d’amélioration qui relèvent maintenant de l’article 25.

Ces modifications visent à surmonter les blocages fréquents dans les copropriétés où l’absentéisme des copropriétaires rendait difficile l’obtention des majorités requises pour engager des travaux nécessaires ou adopter des mesures de gestion efficaces.

La rénovation énergétique en copropriété

Face aux enjeux climatiques, la rénovation énergétique des bâtiments est devenue une priorité nationale. Le législateur a donc adapté le droit de la copropriété pour faciliter la réalisation de travaux d’économie d’énergie.

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 impose l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux (PPT) pour les copropriétés de plus de 15 ans, précédé d’un diagnostic technique global (DTG). Ce plan, obligatoire à partir de 2023 pour les copropriétés de plus de 200 lots et progressivement pour les autres, doit projeter les travaux sur une période de dix ans.

Parallèlement, le fonds de travaux, rendu obligatoire pour la plupart des copropriétés par la loi ALUR de 2014, voit son fonctionnement modifié. Son montant minimum est désormais fixé à 5% du budget prévisionnel annuel, et il peut être affecté au financement du PPT.

Les copropriétés bénéficient également de dispositifs d’aide financière spécifiques pour la rénovation énergétique, comme MaPrimeRénov’ Copropriété, instaurée par le décret du 25 janvier 2021. Cette aide, gérée par l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH), peut financer jusqu’à 25% du montant des travaux de rénovation énergétique.

La dématérialisation des procédures

La transformation numérique de la société n’a pas épargné le droit de la copropriété. Les récentes réformes ont considérablement développé la dématérialisation des procédures et documents.

La notification électronique des convocations aux assemblées générales est désormais autorisée, sous réserve de l’accord préalable du copropriétaire. Cette évolution, consacrée par l’ordonnance du 30 octobre 2019, permet de réduire les coûts et délais de notification.

De même, la tenue de l’assemblée générale par visioconférence ou tout autre moyen de communication électronique est explicitement prévue par les textes. Le vote par correspondance, facilité par un formulaire type défini par arrêté, constitue également une avancée majeure pour favoriser la participation des copropriétaires.

L’extranet de la copropriété, plateforme numérique sécurisée mise à disposition par le syndic, devient un outil central de gestion. Il doit permettre l’accès à un ensemble de documents (règlement de copropriété, procès-verbaux d’assemblées générales, contrats de fourniture, etc.) et faciliter les échanges entre les différents acteurs de la copropriété.

Les copropriétés en difficulté : un régime spécifique

Les copropriétés confrontées à des difficultés financières ou de gestion bénéficient désormais d’un cadre juridique adapté. La loi ELAN a créé un chapitre spécifique dans la loi de 1965 pour traiter ces situations.

Plusieurs dispositifs gradués ont été mis en place selon la gravité des difficultés rencontrées. Le mandataire ad hoc peut être désigné par le président du Tribunal Judiciaire lorsque les impayés atteignent 25% des sommes exigibles. Sa mission est d’établir un diagnostic et de préconiser des solutions.

Dans les cas plus sérieux, une procédure d’administration provisoire renforcée peut être ordonnée par le juge. L’administrateur provisoire dispose alors de pouvoirs élargis, notamment celui d’engager un plan de sauvegarde ou de soumettre au vote un plan de redressement pluriannuel.

Pour les copropriétés très dégradées, la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification (loi 3DS) du 21 février 2022 a introduit de nouveaux outils d’intervention, renforçant notamment les pouvoirs des collectivités territoriales pour traiter ces situations.

Les évolutions du statut de la copropriété

Les récentes réformes ont également assoupli les conditions de sortie du statut de la copropriété dans certaines situations spécifiques.

La scission en volumes d’une copropriété, qui permet de créer des entités juridiquement distinctes, a été facilitée par l’ordonnance du 30 octobre 2019. Cette opération, auparavant soumise à l’unanimité, peut désormais être votée à la majorité des deux tiers des voix dans certains cas, notamment pour les ensembles immobiliers complexes.

De même, la division du syndicat initial en syndicats séparés peut être décidée à la même majorité lorsque la division correspond à des entités architecturales ou fonctionnelles différentes.

Enfin, pour les petites copropriétés, la loi ELAN a introduit un régime simplifié applicable aux immeubles de moins de cinq lots. Ce régime allège certaines obligations, comme la constitution d’un conseil syndical ou d’un fonds de travaux, tout en maintenant les garanties essentielles pour les copropriétaires.

Le droit de la copropriété connaît une profonde mutation, orientée vers plus de souplesse, d’efficacité et d’adaptation aux enjeux contemporains. Ces évolutions législatives et réglementaires traduisent la volonté du législateur de moderniser un régime juridique parfois perçu comme rigide et complexe. Si ces réformes offrent de nouvelles opportunités pour une gestion plus dynamique des copropriétés, elles exigent également une vigilance accrue des copropriétaires et une expertise renforcée des professionnels du secteur. Dans ce paysage juridique en constante évolution, la formation et l’information de tous les acteurs deviennent des enjeux cruciaux pour garantir l’efficacité des nouvelles dispositions.