Le changement climatique force des millions de personnes à quitter leurs foyers. Face à cette crise humanitaire grandissante, les États sont confrontés à de nouvelles obligations juridiques et morales. Quelles sont leurs responsabilités envers ces réfugiés d’un nouveau genre ?
Le cadre juridique international en évolution
Le droit international actuel ne reconnaît pas explicitement le statut de réfugié climatique. La Convention de Genève de 1951, pierre angulaire du droit des réfugiés, ne mentionne pas les facteurs environnementaux comme motif de protection. Néanmoins, la communauté internationale prend progressivement conscience de la nécessité d’adapter le cadre juridique existant.
Des initiatives comme le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, adopté en 2018, commencent à aborder la question des déplacements liés au climat. Ce texte non contraignant encourage les États à développer des stratégies d’adaptation et de résilience pour les populations vulnérables aux changements environnementaux.
Au niveau régional, l’Union africaine a fait figure de pionnière avec la Convention de Kampala de 2009, qui reconnaît explicitement les catastrophes naturelles comme cause de déplacement forcé. Cette avancée pourrait inspirer d’autres instruments régionaux à l’avenir.
Les obligations des États d’origine
Les pays les plus exposés aux effets du changement climatique ont la responsabilité première de protéger leurs populations. Cela implique la mise en place de politiques d’adaptation et de réduction des risques de catastrophe.
Les États doivent investir dans des infrastructures résilientes, développer des systèmes d’alerte précoce et élaborer des plans d’évacuation. La Nouvelle-Zélande, par exemple, a annoncé en 2019 un plan visant à relocaliser progressivement les communautés menacées par la montée des eaux.
Les gouvernements ont aussi l’obligation de garantir les droits fondamentaux de leurs citoyens, y compris dans un contexte de déplacement interne lié au climat. Cela comprend l’accès à l’eau, à la nourriture, aux soins et à l’éducation.
La responsabilité des pays développés
Les nations industrialisées, principales émettrices historiques de gaz à effet de serre, portent une responsabilité particulière dans la crise climatique. Le principe de responsabilité commune mais différenciée, consacré par l’Accord de Paris, implique un devoir d’assistance envers les pays les plus vulnérables.
Cette aide peut prendre la forme de transferts financiers et technologiques pour soutenir l’adaptation au changement climatique. Le Fonds vert pour le climat, créé en 2010, vise à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement. Malheureusement, cet objectif n’a pas encore été atteint.
Les pays développés sont aussi appelés à faciliter des migrations planifiées et dignes lorsque l’adaptation sur place n’est plus possible. Certains États, comme la Suède, ont commencé à intégrer les facteurs environnementaux dans leur politique migratoire.
Le défi de l’accueil des migrants climatiques
Tous les États, qu’ils soient ou non directement touchés par le changement climatique, ont des obligations envers les personnes déplacées. Le principe de non-refoulement, pierre angulaire du droit international des réfugiés, pourrait s’appliquer aux migrants climatiques dans certaines situations extrêmes.
Les pays d’accueil doivent garantir des conditions de vie dignes aux personnes déplacées, en leur assurant l’accès aux services de base et en facilitant leur intégration. Le Bangladesh, par exemple, a mis en place des programmes de formation professionnelle pour les populations rurales forcées de migrer vers les villes en raison de l’érosion côtière.
La question de la répartition des migrants climatiques entre les États reste un sujet sensible. Des mécanismes de solidarité internationale, similaires à ceux proposés par l’Union européenne pour la gestion des flux migratoires, pourraient être envisagés à l’échelle mondiale.
Vers une gouvernance mondiale des migrations climatiques
Face à l’ampleur du défi, une approche coordonnée au niveau international s’impose. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) plaide pour la création d’un cadre de gouvernance spécifique aux migrations environnementales.
Ce cadre pourrait inclure la mise en place d’un fonds international dédié à la gestion des déplacements liés au climat, financé par les pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Il pourrait aussi prévoir des mécanismes de partage des responsabilités entre États pour l’accueil des personnes déplacées.
La création d’un statut juridique spécifique pour les migrants climatiques fait l’objet de débats. Certains experts proposent d’élargir la définition du réfugié dans la Convention de Genève, tandis que d’autres préconisent l’élaboration d’un nouvel instrument juridique dédié.
Au-delà des aspects juridiques, une sensibilisation accrue de l’opinion publique mondiale est nécessaire. Les États ont un rôle à jouer dans l’éducation de leurs citoyens aux enjeux des migrations climatiques, afin de favoriser l’acceptation et la solidarité.
Les migrations climatiques représentent un défi sans précédent pour la communauté internationale. Face à cette réalité, les États sont appelés à repenser leurs obligations, tant envers leurs propres citoyens qu’envers l’humanité dans son ensemble. Une action coordonnée et solidaire s’impose pour garantir la protection des droits fondamentaux des personnes déplacées et construire un monde plus résilient face aux bouleversements climatiques.